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Depuis l’adoption en 2015 de l’accord de Paris par 196 pays, le ton est donné. Il faut impérativement maintenir « l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2 °C ». Un objectif commun au cœur d’un monde empli de divergences et d’inégalités.

D’un point de vue historique, il est clair que les pays les plus développés ont le plus contribué au dérèglement climatique. Et notamment l’Europe depuis la révolution industrielle. Celle-là même qui se veut désormais la plus volontariste sur les sujets climat, biodiversité et ressources. Les énergies fossiles ont indéniablement permis l’amélioration de la qualité de vie de ses habitants. Or, les pays les moins développés n’ont pas encore eu accès à ces progrès sociaux. Devraient-ils y renoncer ? Nous nous intéresserons ici à la décarbonation d’un monde fracturé en continents inégaux. Et à la stratégie que ces derniers adoptent au vu de leurs responsabilités respectives et de leurs contextes sociaux.

L’Accord de Paris, de par sa conception, rend les pays responsables de la définition et de la réalisation de leur contribution à l’effort mondial de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES), constituées de gaz naturels tels que le méthane (CH4), le protoxyde d’azote (N2O), l’ozone (O3), la vapeur d’eau (H2O) et le gaz carbonique (CO2), ainsi que de gaz dits industriels tels que le butane, le propane, ou bien encore le chlore. Atteindre les objectifs fixés par l’Accord de Paris, signifie que les émissions atteignent un pic avant 2025 puis baissent de 43% d’ici à 2030 et de 84% d’ici à 2050. Soit une baisse annuelle de 5 %, chaque année. Sans quoi l’objectif des +1,5° C sera hors d’atteinte.

Illustrons notre propos en nous appuyant sur le CO2 : toujours selon le GIEC, le budget carbone restant est de 500 GtCO2 pour une probabilité de 50 % de limiter le réchauffement de la planète à 1,5° C et de 1 150 Gt CO2 pour une probabilité de 67 % de limiter le réchauffement à 2° C.

Ce qui nous amène donc ici à faire un tour d’horizon des stratégies et des trajectoires par continents, du plus au moins émissif, en excluant de fait l’Antarctique, car inhabité, non industrialisé et donc assurément plus victime que responsable, malgré le rôle crucial que joue le continent blanc dans la régulation du climat sur terre.

Asie : 17 089 millions de tonnes de CO2 émises de 1960 à 2020 :

Si l’usine du monde, comme on la nomme encore, est devenue le premier émetteur mondial au tournant des années 2000, c’est aussi parce qu’elle intégrait les émissions exportées des pays occidentaux qui délocalisaient leur industrie en Asie et plus particulièrement en Chine.

Selon le rapport du CDP (Carbon Disclosure Project, une ONG spécialisée dans l’impact environnemental global), Rising to the challenge : How companies in Asia Pacific are preparing for the net zero economy, seulement 8 % des entreprises de la région Asie-Pacifique en 2021 avaient signé des plans pour atteindre des émissions nettes de carbone nulles. En outre, moins d’un tiers des entreprises ayant répondu à l’enquête avaient adopté des objectifs fondés sur des données scientifiques. Mais face aux pics de pollution de l’air fréquemment dépassés dans les mégapoles chinoises ou bien encore à la pollution des terres et des eaux souterraines, le Parti communiste Chinois développe le concept de civilisation écologique et veut passer d’une économie industrielle à une économie de l’innovation en souhaitant devenir le leader mondial des technologies d’énergie propre.

D’après le PwC Net Zero Economy Index: Asia Pacific’s Transition, le Vietnam, la Corée du Sud, le Japon, Hong-Kong et Taiwan ont prévu d’atteindre la neutralité carbone en 2050, la Chine en 2060 et l’Inde en 2070.

Amérique du Nord et Amérique du Sud : 6 600 millions de tonnes de CO2 émises de 1960 à 2020 :

Si Donald Trump avait pris la décision de se retirer du traité signé par son prédécesseur Barack Obama, Joe Biden, quelques heures seulement après son début de mandat a signé un décret actant le retour des États-Unis dans l’accord de Paris sur le climat. Deux ans plus tard, il a fait voter l’Inflation Reduction Act (IRA), paquet de mesures protectionnistes de près de 400 milliards de $, dont le principal volet concerne le climat. Ce plan d’une durée de dix ans doit permettre aux Etats-Unis d’atteindre leur objectif de réduction de GES de 50% d’ici à 2030 par rapport à 2005. Les entreprises américaines vont notamment bénéficier de crédits d’impôts pour investir et produire dans la mobilité verte, les ENR mais aussi dans la séquestration carbone.

De son côté, le Canada a fait voter la Loi sur la responsabilité en matière de Carboneutralité, soit une réduction de 40 % à 45 % par rapport aux niveaux de 2005 et la carboneutralité d’ici 2050. A ce titre le Plan de réduction des émissions pour 2030 : prochaines étapes du Canada pour un air pur et une économie forte, vient appuyer la réalisation de ces objectifs.

Première puissance économique d’Amérique du Sud, le Brésil semble également avoir tourné la page du climato scepticisme après la défaite de Jair Bolsonaro. Lula a en effet promis de mettre fin à la déforestation en Amazonie et se propose d’accueillir la COP de 2025.

Selon le rapport The challenges of climate mitigation in Latin America and the Caribbean : Some proposals for action, publié par l’UNDP (Programme des Nations Unies pour le Développement, l’atteinte de la neutralité carbone dans les pays d’Amérique latine et des Caraïbes est complexifiée par le coût de la transformation au regard de leur PIB mais aussi des risques liés à la perte de recettes d’exportation et de recettes fiscales, en particulier des secteurs à fortes émissions tels que le pétrole, le gaz et le charbon. Ainsi, tandis que le Brésil, l’Argentine et le Chili sont engagés pour la neutralité carbone en 2050, la Colombie et le Pérou sont simplement engagés dans des stratégies de réduction, tandis que le Mexique, la Bolivie et le Venezuela sont notablement absents.

Europe : 4 946 millions de tonnes de CO2 émises de 1960 à 2020 (hors Russie) :

Ayant pour ambition de devenir le premier continent à atteindre la neutralité carbone, l’Europe déploie un arsenal juridique ambitieux, notamment constitué du plan Fit for 55 et de la législation correspondante pour viser une industrie à zéro émission nette en gaz à effet de serre. Ce nouveau cadre sera suivi d’une loi sur les matières premières critiques, ainsi que d’une réforme du marché européen de l’électricité. Enfin et en réponse à l’Inflation Reduction Act des États-Unis et autres mesures protectionnistes chinoises, l’Union européenne va activer pour la première fois une clause de réciprocité, comme l’autorise l’Organisation mondiale du commerce (OMC).

A cheval entre l’Europe et l’Asie, la Russie est engagée à réduire à zéro ses émissions de gaz à effet de serre d’ici 2060. Mais elle affirme que les sanctions, suite à l’invasion illégale de l’Ukraine, l’empêchent de tenir le calendrier de ses réductions d’émissions. Les autorités précisent même que les combustibles fossiles sont essentiels à son économie. Sans grande surprise, Climate Action Tracker (CAT) juge le résultat de la politique climatique et de ses objectifs nationaux “gravement insuffisant”.

À cause de la guerre en Ukraine, l’Union européenne a pris conscience de ses dépendances énergétiques et reconfigure en urgence ses sources d’approvisionnement et de production, en tentant tant bien que mal de les rendre les moins carbonées possibles.

Afrique et Moyen Orient : 3 894 millions de tonnes de CO2 émises de 1960 à 2020 :

Malgré des taux de croissance en 2021 de 11, 4% au Botswana, de 10, 9% au Rwanda, de 8, 7% en Erythrée ou de 8, 5% au Zimbabwe et en dépit de sa diversité et de ses ressources humaines et naturelles, l’Afrique est considérée par tous les indicateurs comme étant le continent le plus pauvre du monde.

Avec 600 millions de personnes, soit 43 % des habitants du continent qui n’avaient toujours pas accès à l’électricité en 2022, tout l’enjeu réside pour les pays africains à générer une croissance inclusive permettant de mettre fin à la pauvreté, sans tomber dans les travers et les recettes utilisés par les pays développés jusque là, à savoir la croissance carbonée et avec des budgets déficitaires.

A ce titre, la COP 27 s’est clôturée sur un accord décisif visant à fournir un financement des pertes et préjudices subis aux pays vulnérables durement touchés par les catastrophes climatiques. Simon Stiell, le secrétaire exécutif d’ONU Climat déclarait ainsi : “Nous avons déterminé une voie à suivre dans le cadre d’une conversation qui dure depuis des décennies sur le financement des pertes et préjudices, en délibérant sur la façon dont nous abordons les impacts sur les communautés dont les vies et les moyens de subsistance ont été ruinés par les pires impacts du changement climatique”.

Quant aux pays voisins du Moyen-Orient, constitués notamment de pétro-monarchies, excepté le Qatar, ils sont tous engagés à atteindre la neutralité carbone en 2050 (Emirats Arabes Unis, Oman) ou en 2060 (Arabie Saoudite, Bahreïn, Koweit).

Océanie :

Pays le plus peuplé du continent, l’Australie, 2ème exportateur mondial de charbon, s’est engagée à parvenir à des émissions nettes nulles d’ici 2050, via notamment un plan d’investissement de 20 milliards de dollars australiens dans les technologies à faibles émissions au cours de la prochaine décennie et faire effet de levier pour débloquer d’autres investissements privés dans les technologies vertes. La mise en œuvre de ces engagements sera particulièrement scrutés par l’archipel de Tuvalu ou encore la Polynésie française menacés par la montée des eaux.

Alors que chaque degré compte, plus de 7 ans se sont écoulés depuis le coup de marteau en forme de feuille verte de Laurent Fabius entérinant l’accord et pourtant, excepté la période de confinement liée à la pandémie de Covid-19, les émissions n’ont jamais baissé depuis lors. Tandis que la prise de conscience accélère enfin et que l’échéance se rapproche, le monde est entré dans une spirale inflationniste avec des tensions et des mouvements sociaux ici et là, qui laissent entr’apercevoir ce que la situation pourrait être si les gouvernements et autorités locales tardent à agir. Climat, biodiversité, ressources, social, formation, financement : même si la transformation est systémique, il est encore possible d’agir. Reste désormais à concrétiser simultanément les engagements pris de concert par la communauté internationale afin de laisser une planète vivable et un futur souhaitable aux générations futures.

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Sources :

  1. CDP – Rising the challenge : How companies in Asia Pacific are preparing for the net-zero economy : https://cdn.cdp.net/cdp-production/cms/reports/documents/000/006/179/original/How_companies_in_Asia_Pacific_are_preparing_for_the_net-zero_economy_EN.pdf?1648712180

  2. PwC Net Zero Economy Index : Asia Pacific’s Transition : www.pwc.com/gx/en/issues/esg/esg-asia-pacific/net-zero-economy-index-asia-pacifics-transition.html

  3. Les Echos, Les émissions de CO2 en infographies : trajectoires, enjeux et solutions, 25 janvier 2021 : www.lesechos.fr/weekend/planete/les-emissions-de-co2-en-infographies-trajectoires-enjeux-et-solutions-1915476

  4. The challenges of climate mitigation in Latin America and the Carribean : Some proposals – UNDP, Mauricio Cardenas and Sebastian Orozco : www.undp.org/latin-america/publications/challenges-climate-mitigation-latin-america-and-caribbean-some-proposals-action

  5. https://climateactiontracker.org/countries/russian-federation/

  6. https://donnees.banquemondiale.org/indicator/NY.GDP.MKTP.KD.ZG?locations=ZG

  7. https://unfccc.int/fr/news/la-cop-27-parvient-a-un-accord-decisif-sur-un-nouveau-fonds-pertes-et-prejudices-pour-les-pays

  8. https://www.mei.edu/publications/gcc-and-road-net-zero

 

Céline Rousselot, Léa Chambaudet, Léo Grégoire, Sharyss Lucress, Mansour Seye, Sofiane Ait Mahrez – MSc Project management, innovation et développement durable, School of Impact – L’école des leaders de l’impact.