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La révolution du durable dans le monde des achats

Pourquoi le terme durable est-il désormais apposé à achat ? Est-ce juste un effet de mode pour se donner bonne conscience ou cela traduit t’il quelque chose de plus profond et transformatif ?

Jusqu’alors et en schématisant quelque peu l’ensemble du processus achat, celui-ci se décomposait comme suit :

  1. le besoin
  2. l’identification de la solution suivi d’un appel d’offres ou d’une négociation intégrant le devis
  3. la contractualisation aboutissant à une facture, puis une livraison et un suivi fournisseur.

Malgré les normes, certifications et autres labels, peu importe la provenance géographique, les volumes achetés, les conditions sociales dans lesquelles le produit pouvait être fabriqué, pourvu que le sous-traitant s’adapte et réponde au cahier des charges du donneur d’ordre.

De la simple transaction à la transformation durable

Le caractère stratégique des achats, sans caricaturer à outrance, se cantonnait principalement au notions suivantes :

  • coût
  • marge
  • bénéfices

Avec une considération très partielle et subjective du cycle de vie. Simple reflet finalement du fonctionnement de l’économie de marché globalisée et du faible niveau de conscience écologique d’une majorité d’acteurs.

Les impacts cachés des "achats anodins"

Qu’ils soient classés A, B ou C, ces achats d’apparence anodine, ont en fait de réels impacts : extraction de ressources naturelles, éradication de la biodiversité, mais aussi pour les productions réalisées dans les pays en voie de développement, des conditions sociales bien souvent éloignées des standards européens, sans omettre bien sûr les émissions liées au processus de fabrication, à la logistique et au transport.

La nécessité d'une chaîne d'approvisionnement durable

Si tout n’était pas formalisé et réglementé comme cela le devient, l’inflation et certaines pénuries de matériaux, ajouté au phénomène de démondialisation et de relocalisation en partie lié à des considérations géopolitiques, mais aussi la réglementation sur les 3 scopes du bilan carbone ont grandement participé à la prise de conscience de la nécessité d’acheter, produire et commercialiser différemment, au risque pour bon nombre d’entreprises d’avoir des actifs échoués, voire même de disparaître à moyen terme, à l’image de Kodak qui n’avait pas su prendre à l’époque le virage du numérique.

La CSRD comme catalyseur pour dépasser l'économie traditionnelle

À la lecture de la CSRD notamment et de l’ensemble de ses obligations et implications, pour un grand groupe, comme pour une ETI ou une PME : mesure de la double matérialité (matérialité d’impact et matérialité financière) et analyse d’écarts, transformation du business model et de la chaîne de valeur sur la base des Impacts, Risques et Opportunités (IRO), mise en place d’une gouvernance RSE et respect du format du rapport puisque la méthodologie d’ensemble et les données ESRS sont soumises à audit, nombre d’entreprises ne considèrent pas la transformation durable comme un nouveau virage, mais comme un mur à gravir. L’époque d’acheter au meilleur prix, dans les volumes les plus gros possibles, à l’autre bout de la planète vit donc ses derniers jours.

Il n’est pas pour autant question de se lancer bille en tête, de jeter le bébé avec l’eau du bain ou encore de confondre vitesse et précipitation. Bien que les délais et le calendrier soient contraints, la transformation systémique des modèles qu’impose le durable, implique sang froid, connaissance et contextualisation des sujets avant toute chose.

Comprendre les fondamentaux de la durabilité avant d'agir : biodiversité, ressources, bilan carbone

Comprendre quelles sont les conditions de vie sur terre, pourquoi sont-elles mises en péril et comment en est-on arrivé là, comprendre le séquençage et l’agenda des transformations, comprendre le rôle fondamental de la biodiversité, qui de prime abord peut nous paraître si anecdotique ou exotique, prendre la mesure de la criticité et des impacts de l’extraction et de la raréfaction des ressources naturelles, en bref intégrer les fondamentaux et d’une certaine manière apprendre ce que l’enseignement supérieur et les diverses formations continues ne nous ont pas enseignés. Mieux vaut tard que jamais.

Les entreprises face à l'obstacle des achats responsables

Une fois ces enjeux pleinement assimilés, le rôle et la place de l’humain dans le vivant, les notions de budget carbone, de limites planétaires, de bilan carbone, de scopes 1, 2, 3, d’ESRS, de double matérialité, d’impacts, de chaîne d’approvisionnement durable, de devoir de vigilance, d’extra-financier vous apparaîtront d’un seul coup beaucoup plus limpide et logique. La transformation durable, le Green Deal et les achats durables ne vous apparaîtront dès lors plus comme une obligation ou une énième contrainte écolo anti-libérale, mais bel et bien comme quelque chose de complètement logique et naturel.

Dès lors le pourquoi compris, passons au comment. En commençant par le rôle et la mission de son entreprise. Sans nécessairement le formaliser comme pour une entreprise à impact, réfléchir et déterminer sa mission et sa raison d’être au regard des enjeux environnementaux mettra très certainement en évidence les aspects à conserver et à améliorer, ceux à modifier et ceux à fermer, aussi bien des filiales, des business unit, mais aussi des offres et donc des produits et/ ou des services. C’est en quelque sorte le début du chemin pour devenir une entreprise contributive et régénératrice.

Les questions cruciales pour initier une transformation durable

  • De quelle manière mon entreprise et mes offres s’inscrivent dans les limites planétaires et contribuent à répondre aux enjeux actuels et à venir ?
  • Comment repenser la chaîne de valeur de mon entreprise, de la conception jusqu’à la livraison, en passant par la consommation et la fin de vie du produit ou du service ?
  • Comment évaluer les incidences, risques et opportunités dans ma chaîne d’approvisionnement ?
  • Comment amener le changement auprès de mes équipes, de mon écosystème, de mes partenaires financiers et actionnaires ?
  • Comment entraîner mes relations d’affaires dans le mouvement de transformation durable ?
  • Comment annoncer l’arrêt d’une relation d’affaire à l’un de ses partenaires ou sous-traitant ?
  • Par où commencer et quels sont les quick wins à activer ?
  • Comment éviter les fausses bonnes idées et les effets rebonds ?

La Mission de l'entreprise : Point de départ de la métamorphose

La transformation d’une entreprise est protéiforme car elle touche à de nombreux aspects : sa raison d’être et son organisation, ses process et méthodes, ses systèmes d’information, ses relations clients et fournisseurs, etc. Et dans le cas présent le rôle des ressources humaines et de la formation seront encore plus critiques qu’auparavant. Dans un contexte économique mêlant impératifs de performance et exigences de plus en plus nombreuses des multiples parties prenantes, la transformation durable est en train de passer d’un mal nécessaire à une refonte salvatrice pour construire un avenir durable. Le développement responsable n’est pas un enjeu de croissance, mais de survie. Il y aura les acteurs économiques qui auront transformé leurs business models pour répondre aux vrais enjeux et ceux qui auront perdu leur sens, leur réputation et donc leur part de marché, leur capacité à se financer et à recruter.

Des bénéfices pour toute la chaîne de valeur

On le perçoit déjà entre les lignes, derrière l’ensemble de ces enjeux systémiques, les achats durables viennent structurer et façonner le nouvel âge et visage de votre entreprise. Et rien ne doit vous empêcher de mener de front, court, moyen et long terme, en adoptant dès maintenant une politique d’achat durable pour vos achats récurrents, de consommables ou de commodités, tout en continuant à passer aux achats de produits et services durables au fur et à mesure de l’avancée de votre mapping de chaîne de valeur. Nul besoin d’attendre d’être soumis à l’obligation réglementaire de la CSRD pour s’y mettre dès maintenant, ce sera autant de temps de gagné pour la suite, notamment pour les diligences ESRS à venir.

Pourquoi passer aux achats responsables dès aujourd'hui ?

  • Parce que l’offre brune ne figure plus au catalogue : à l’image par exemple de certains véhicules utilitaires qui ne sont plus commercialisés en version thermique mais uniquement en électrique, ou encore les gammes d’éclairage public qui ne sont presque plus disponibles en éclairage conventionnel mais désormais majoritairement en LED connectées,
  • Parce que l’offre verte est plus compétitive que l’offre brune : le budget de fonctionnement d’un ensemble immobilier de bureau bas carbone labellisé Breeam est naturellement bien plus compétitif que de l’immobilier d’entreprise ayant été livré dans les 90 ou 2000,
  • Pour réduire ses émissions et notamment sur le scope 3 : comme Sonepar avec une trajectoire bien plus ambitieuse versus SBTI 2°C trajectory,
  • Pour être conforme à la réglementation européenne dans le cadre de la CSRD et ainsi pouvoir continuer à jouer un rôle dans la chaîne de sous traitance ou être éligible aux appels d’offre,
  • Sans oublier bien sûr la conviction de la première heure : tout comme la meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas ou que le béton le plus bas carbone est celui que l’on ne produit pas, devenir ou être durable ne signifie pas systématiquement détruire, jeter ou remplacer tout ce qui existe déjà. Au cas le cas, une analyse du cycle de vie et des effets rebonds permet de savoir s’il est judicieux de conserver l’existant encore un peu plus longtemps, ou bien de l’upgrader, de le retrofitter ou encore de le rénover.

Vous souhaitez acheter durable

Relations équilibrées, sobriété et transformation : Le nouveau paradigme des achats

Les avantages à travailler avec des fournisseurs de solutions durables et d’acheter des produits et services responsables sont donc particulièrement nombreux et bénéfiques aussi bien pour la planète, la société, que pour son entreprise et sa chaîne de valeur :

  • Réduction de son empreinte carbone et ressources : dans la trajectoire de transformation durable de chaque entreprise, la décarbonation, sans être l’alpha et l’omega, est un pan primordial, notamment au niveau du scope 3. La relocalisation de fournisseurs et de sa chaîne d’approvisionnement durable contribue en partie à réduire ses émissions de CO2,
  • Amélioration de la qualité de ses relations fournisseurs et sous-traitants éthiques : avec les achats durables les cartes sont rebattues. Fini les relations à sens unique : l’acheteur peut également être fournisseur et le fournisseur également être acheteur. Les critères de sélection étant à la fois plus vastes, plus exigeants et plus transparents, les relations sont tout à la fois plus saines, équilibrées et objectives. L’atteinte de l’organisation régénérative ne se fait pas du jour au lendemain, acheter durable en l’état actuel du marché, ne signifie pas toujours que la solution est 100% vertueuse ou 100% verte, il est donc nécessaire de s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue,
  • Révision et reconstitution de son catalogue d’offre : acheter des composants pour construire et commercialiser une offre qui ne le serait pas n’aurait aucun sens. L’achat durable s’inscrit donc naturellement dans une logique de transformation vertueuse de son entreprise et de son catalogue d’offre de produits et/ ou services.
  • Pérennisation de son organisation : on l’a vu plus haut, il y aura les organisations qui parviendront à se transformer et celles qui échoueront faute de volonté ou d’anticipation. Faire le choix d’une politique d’achat responsable, c’est éviter le coût des risques et de l’inaction et faire le choix de la réputation et de la pérennisation de son activité en maximisant ses impacts positifs, en faisant par exemple le choix de collaborer, lorsque l’alternative existe, avec des acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) et des établissements et service d’aide par le travail (ESAT).

Les 4 démarches de sobriété pour une refonte salvatrice

S’engager vers la sobriété demande de mettre en place des transformations tant sur la chaîne de valeur que sur la proposition de valeur. Les auteurs de l’étude¹ listent à ce titre 4 types de démarches de sobriété, selon différents degrés d’intensité de changement :

1. Diminuer l’empreinte sur les ressources ainsi que sur les externalités négatives,
2. Optimiser la proposition de valeur en éliminant ce qui est superflu pour le client,
3. Mettre en place des méthodes de production durable,
4. Inventer des modèles de consommation et d’usage sobres et durables.

Un rôle élargi à une stratégie collective

Dans ce vaste mouvement de transformation en cours pour répondre à l’enjeu du siècle :

– les acheteurs ne sont plus les seuls à acheter au sein des organisations,
– les acheteurs n’achètent pas plus, ou pas moins, mais mieux,
– les acheteurs peuvent aussi être fournisseurs et vice-versa²,
– les acheteurs n’achètent pas seulement des produits, mais aussi des prestations intellectuelles telles que des services durables en mode SaaS, ou bien encore de la contractualisation avec des experts et des freelances du durable.

Et à l’heure de la servicisation, de la performance à l’usage, de l’économie de la fonctionnalité et de la circularité, pourquoi ne pas aussi parler de leasing durable ?

Ce qui nous amène pour conclure à réfléchir de manière plus large au rôle, à l’intitulé de la fonction d’acheteur responsable et finalement aux nouveaux outils de sourcing et d’achats durables en mode SaaS et à la demande, comme le propose Vetted.

Car, comme le souligne Natacha Tréhan, Membre du Conseil d’Administration du CNA (Conseil National des Achats)³, “de la même façon que certaines entreprises changent leur nom à une étape clef de leur développement pour modifier leur image, il est temps que la fonction Achat change de nom”. Pour cela, elle propose Manageur des écosystèmes, parce que “l’écosystème transcende les dimensions interne – externe, c’est un tout en interaction. Il s’agit de la caractéristique même de la fonction « achat » : favoriser le développement des interactions au sein de l’entreprise et avec les parties prenantes de son environnement”.