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Olivier ABULI, consultant conseil et analyses

L’intense séquence diplomatique du second semestre 2021 (pré-rapport du GIEC, feuille de route de la Commission européenne, Sommet du G20, Cop26) a permis de clarifier la cartographie internationale des stratégies, trajectoires et engagements sur le front de l’urgence climatique.
Sous présidence française, l’Europe et ses états membres s’emploient désormais à préciser les calendriers de transformation associés à leurs arbitrages politiques et technologiques pour optimiser la mobilisation des investisseurs et des industriels sur ces agendas.

Il nous faut un Plan !

C’est le leitmotiv de ce début d’année. Pour massifier l’électrification de l’économie, créer de nouvelles filières de productions énergétiques, juguler les risques d’évasion carbone, peser sur l’évolution des normes internationales… il est indispensable de ressusciter une planification à l’échelle continentale. Il y a seulement quelques mois, ce scénario d’un poids renforcé des puissances publiques dans le pilotage transversal des activités économiques serait apparu incongru. Il tend aujourd’hui à s’imposer. À Bruxelles, sous l’impulsion de Pascal Canfin aux commandes de la commission Environnement du Parlement européen. Mais aussi à Paris, ainsi qu’en attestent les convergences de vues du Secrétaire général de la CFDT et du Président Délégué du MEDEF lors de la présentation à Sciences-po, le 7 février, du Plan de Transformation de l’Économie Française (PTEF) élaboré par le Shift Project1. Signe des temps, la synthèse de ce « plan en marque blanche pour les candidats à la Présidentielle » a été épuisée en librairies en quelques jour.

C’est une question de bon sens. La course contre la montre qui est engagée et l’ampleur des réformes systémiques à mener appellent une gouvernance volontariste et osons le mot, pour partie dirigiste. Aucune autre voie ne permettrait d’atteindre les objectifs fixés pour 2030 et 2050 tout en ménageant les équilibres qui conditionnent la réussite de ces transformations. Il s’agit alors, sur la durée :

– d’orienter et soutenir sur 30 ans des efforts massifs d’investissements publics et privés. La Cour des comptes européenne les a chiffrés à 11 200 milliards d’euros pour la seule tranche 2021-2030 ;

– d’arbitrer, par périodes de transitions, des accès dégressifs aux énergies fossiles et aux matières premières non renouvelables entre pays et par secteurs d’activité ;

– de développer des capacités communes de réaction et d’adaptation pour faire face aux aléas qui ne manqueront pas de perturber les projections (retards technologiques, géopolitiques, climatiques…) ;

– de s’assurer de l’acceptabilité sociale du rythme et de l’intensité des changements.

La Commission européenne accélère

Il n’aura fallu que quelques semaines après la clôture de la Cop26 pour que la Commission rebondisse sur les avancées les plus probantes de la Conférence, puis boucle les derniers chaînons du Paquet Climat « Fit for 55 ». Les actes sont bien en accord avec les intentions et confirment l’ambition européenne de se positionner en fer de lance du combat climatique.

Une traduction immédiate des engagements pris à Glasgow

En Écosse, deux accords sectoriels concernant la lutte contre la déforestation et la réduction des émissions de méthane étaient parvenus à recueillir les signatures d’une centaine de pays.

Sur le premier point, la Commission a immédiatement proposé l’adoption d’un règlement axé sur la « déforestation importée » qui vise notamment à fermer son marché aux matières premières et produits issus de « déforestations récentes ».

Sur le second, elle propose de renforcer ses normes internes (interdiction des pratiques de torchage et d’éventage) et de recourir à la surveillance satellitaire pour vérifier les émissions et fuites de méthane liées au secteur des énergies fossiles ; y compris sur ses importations.

Le gaz et le nucléaire entrent sous conditions dans la taxonomie verte

Les négociations ont été âpres, mais la Commission a finalement intégré le gaz et le nucléaire à la classification des activités qui contribuent substantiellement à « l’atténuation et l’adaptation au changement climatique ». Si le Parlement et le Conseil européen ne s’y opposent pas, ces deux filières seront éligibles aux subventions et aux investissements « verts » dès cet été pour contribuer à l’accroissement de nos capacités de production électrique. Comme de nombreuses réserves persistent, cette mesure est très explicitement circonscrite à la couverture des besoins de transition. En cas d’adoption, sa portée serait limitée dans le temps et assortie de conditions :

– les unités à gaz n’entreraient en service qu’en substitution d’installations plus polluantes, les permis de construire ne pouvant être délivrés que jusqu’en 2030. Par ailleurs, États et exploitants devront anticiper pour ces sites l’intention de la Commission de proscrire le renouvellement des contrats de fourniture de gaz naturel fossile au-delà de 2049 ;

– pour le nucléaire, les travaux de mise à niveau sur le parc existant ne seraient possibles que jusqu’en 2040 et l’autorisation de lancer de nouveaux réacteurs serait limitée à 2045. Pour ces derniers les fonds nécessaires à leur démantèlement et au traitement des déchets devront impérativement être provisionnés.

Hydrogène et bâtiments neutres : les deux briques qui complètent « Fit for 55 »

Passée la moitié du siècle, ce sont des gaz renouvelables faiblement carbonés qui devraient progressivement prendre le relais, dont l’hydrogène. Les prochaines années seront donc consacrées à déterminer un système de certification pour ces gaz et à développer les réseaux et infrastructures indispensables à l’émergence d’un marché mature. Une structure de gouvernance et de régulation y sera dédiée.

Enfin, à l’instar du pas qu’a déjà franchi la France2, tous les pays de l’Union Européenne sont invités à adapter leurs normes pour rénover les constructions anciennes les plus énergétivores et se mettre en capacité de produire des bâtiments neufs à zéro émission d’ici 2030.

Profitant du rôle d’impulsion que lui confère l’exercice de la présidence tournante de l’Union, Paris entend accélérer les processus de convergence entre membres sur les propositions les plus structurantes tout en poursuivant la mise en cohérence de ses propres leviers de transformation.

Bercy met ainsi la dernière main à un projet de décret visant à « verdir » la commande publique. Il devrait notamment porter de 130 à 300 le nombre de grandes collectivités locales assujetties à l’élaboration d’un schéma pluriannuel de promotion d’achats socialement et écologiquement responsables (SPASER).

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Pour aller plus loin :

1. Présentation du Plan de Transformation de l’Économie Française du Shift Project le 7 février 2022

2. Voir notre news du mois du 4 février 2022